Épisode 3 : le premier instrument, le cercle méridien


Le premier instrument est un cercle méridien destiné à la mesure précise de l’heure et à sa distribution à la ville, à la détermination de la position d’étoiles-repères utiles aux observations de comètes et d’astéroïdes. Rayet définit un « instrument méridien de moyenne grandeur » avec un objectif de diamètre de 19 cm dont la construction est confiée à Wilhelm Eichens (1818-1884) par un contrat signé en 1878 pour une installation en 1880[1].

Lunette méridienne de l’observatoire astronomique de Bordeaux dans les années 1880-1890. On distingue les grands cercles gradués sur lesquels est lu l’angle d’inclinaison de la lunette, ainsi que le lit de cuir à dossier inclinable de l’observateur. Région Aquitaine, Inventaire général – M. Dubau,[2004].


Il faut donc construire un bâtiment qui soit prêt à temps pour installer l’instrument. Ce bâtiment, maintenant dénommé « bâtiment Rayet » est constitué d’une partie centrale pour la salle de la lunette méridienne et de deux pavillons latéraux, chacun étant relié par une galerie. La fabrication du toit mobile de la salle méridienne est confiée à l’entreprise du Creusot qui ne le livrera qu’en décembre 1880 alors que le bâtiment est terminé depuis août. Finalement le cercle méridien sera installé au printemps 1881[2,3]

Façade nord du bâtiment méridien construit par Georges Rayet en 1880. La partie centrale abrite la lunette méridienne dont le toit mobile est ouvert. Aux extrémités Est et Ouest se situent des pavillons pour les personnels astronomes et techniciens. Région Aquitaine, Inventaire général – M. Dubau,[2004].


L’instrument méridien a été utilisé pendant des décennies par les différents astronomes qui se sont succédés à l’observatoire pour des mesures d’étoiles repères, de catalogues d’étoiles et de différents astres. Ces observations sont consignées dans les Annales de l’observatoire de Bordeaux et dans les volumes successifs du Catalogue de cet observatoire Si, à la fin du XIXe siècle, les astronomes utilisaient « la méthode de l’œil et de l’oreille », par la suite l’introduction de micromètres a permis une certaine simplification de la méthode de mesure.

Au XXe siècle

Cependant dans les années 1980, l’instrument centenaire avait bien besoin d’une rénovation en utilisant des techniques plus récentes. C’est ce qui fût réalisé par une équipe d’astronomes, de mécaniciens, d’ingénieurs électroniciens et informaticiens sous la houlette de l’astronome Yves Réquième. Les techniques micro-mécaniques, électroniques et informatiques furent utilisées pour rénover le vieil instrument et en faire un instrument performant qui non seulement conservait les propriétés de précisions de l’instrument original mais en plus les améliorait. Le remplacement de l’oculaire par une caméra électronique permettait la mesure d’un nombre de positions d’étoiles décuplé lors des nuits claires, l’instrument étant piloté automatiquement en fonction de programme d’observation assigné par les observateurs[4].

C’est pourquoi l’instrument méridien automatique de l’observatoire de Bordeaux à contribué à la mesure d’un immense nombre d’étoiles de l’hémisphère nord, dont les positions furent introduites dans la Catalogue d’entrée de la mission spatiale européenne Hipparcos (High PARallax COllecting Satellite). Ce satellite est destiné à la mesure de la position, de la parallaxe à haute précision et du mouvement propre des étoiles[5].

Lunette méridienne rénovée de l’observatoire astronomique de Bordeaux dans les années 1980. (Archives de l’observatoire de Bordeaux à Floirac).


Les résultats ont permis de produire trois catalogues d’étoiles : le catalogue Hipparcos et les catalogues Tycho-1 et Tycho-2, celui-ci ayant fourni le mouvement propre de plus de 2,5 millions d’étoiles.
Le projet est proposé sous l’impulsion de Pierre Lacroute, astronome à l’observatoire de Strasbourg, en 1980. Il est lancé le8 août 1909 par un lanceur Ariane IV. Une panne du moteur d’apogée place le satellite sur une orbite de transfert très elliptique au lieu de l’orbite géostationnaire prévue. Malgré cela, les objectifs ont été atteints et la mission a pris fin en août 1993.
Le succès et les résultats d’Hipparcos ont amené l’Agence spatiale européenne à décider en 2000 un satellite successeur dénommé Gaia. Son lancement a eu lieu en décembre 2013 et les astronomes du Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux sont investis dans l’analyse des résultats, en vue de la réalisation d’un catalogue 50 fois plus précis que celui d’Hipparcos, pour un ensemble de d’un milliard d’étoiles.

[1] L. Maison, La fondation et les premiers travaux de l’observatoire astronomique de Bordeaux (1871-1906) : Histoire d’une réorientation scientifique, Thèse de doctorat d’épistémologie et d’histoire des sciences de l’Université Bordeaux 1, 2004, 431 p.
[2] G. Rayet, Annales de l’observatoire de Bordeaux, 1885, t. I et 1887, t. II, Paris, Gauthier-Villars.
[3] J. de La Noë, Georges Rayet : à Bordeaux, L’Astronomie, 2014, n° 70, p. 38-46.
[4] Réquième, Y., Automatic photoelectric transit circles. Astronomische Gesellschaft, Deutsche Forschungsgemeinschaft, and Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Wissenschaftliche Tagung ueber Astrometrie und dynamische Astronomie, Heidelberg, West Germany, Oct. 9, 10, 1979. Astronomische Gesellschaft, Mitteilungen, 1980, no. 48, p. 109-125. Réquième, Y. Astrometric measurements required before Hipparcos launch. Proceedings of an International Colloquium on The Scientific aspects of the Hipparcos space astrometry mission, held at Strasbourg, 22-23 February 1982, (ESA SP-177), 1982, p. 207 – 209.
[5] Perryman, M. A. C., Turon, C., Arenou, F., Argue, A. N., Bec-Borsenberger, A., Chareton, M., Crézé, M., Crifo, F., Dommanget, J., Egret, D., Figueras, F., Gómez, A., Grenon, M., Jahreiß, H., Kovalevsky, J., Lindegren, L., Mennessier, M. O., Mermilliod, J. C., Morin, D., Nicolet, B., Prévot, L., Réquième, Y. and Wenger, M. The Hipparcos mission. Pre-launch status. Volume II: The Input Catalogue. European Space Agency, 75738 – Paris (France), 1989, 298 p.